Felix Culpa (extrait - Avril 2014)

par Julie Crenn

Au départ, Raphaël de Villers manipule et assemble des matériaux

pauvres : boîtes à oeufs, grillages, papier mâché. Un travail qui ne lui permet pas pleinement d’utiliser et d’explorer la couleur. Depuis une dizaine d’années, il apprivoise l’art de la céramique : le modelage, le tournage et l’émaillage. Chaque année, il se rend en Chine pour travailler dans des ateliers de porcelaine où le sériel côtoie l’artisanal. L’artiste s’imprègne ainsi de la culture chinoise riche d’une tradition céramique millénaire et de savoir-faire spécifiques qu’il s’emploie à hybrider avec son imaginaire flamboyant et proliférant. La céramique lui permet de combiner le volume et la peinture. Raphaël de Villers est aujourd’hui à Sèvres dans les ateliers de production de porcelaine. La générosité chromatique des émaux met en lumière l’abondance des détails et participe à la lecture des formes. Les gestes et la couleur figurent et défigurent les silhouettes monstrueuses. Raphaël de Villers déploie un imaginaire riche et troublant, où l’animal se fond avec le minéral, l’humain est conjugué avec le végétal.

 

 

Extrait in catalogue Arcadia, Château d’Oiron, 2008

par Dominique Pineau

Raphaël de Villers crée ses sculptures dans la ville de Jingdezhen située dans la province chinoise du Jiangxi. Ce site de production de céramique est célèbre depuis l’époque Yuan (1279-1386) pour sa production de porcelaine. L’univers de Raphaël de Villers se situe au cœur d’une nature exubérante peuplée d’animaux réels ou monstrueux. Dans un rapport animiste, ses sculptures qui semblent extraites d’un livre de fables ou d’emblèmes, dialoguent entre elles. Dans son étude sur l’imagerie au XVIIe siècle, Mario Praz pose la question : « Are emblems such a dead thing ? » C’est bien ce bestiaire, ce monde clos que fait revivre Raphaël de Villers à travers une sensibilité proche de celle de la Renaissance. Ces figures, au-delà d’un certain archaïsme, revêtent une dimension héroïque, morale ou totémique. Comme de nombreux artistes de l’Arte Povera Raphaël de Villers a commencé par la peinture avant de délaisser la toile pour investir l’espace. Le passage de l’emploi de matériaux simples, comme le papier mâché à celui de matériaux plus précieux comme la porcelaine, marque une étape dans l’œuvre de l’artiste et affirme l’invention et la liberté de son langage. De la soumission à l’art du feu, qui laisse une part importante au hasard dans la forme définitive et dans les coloris de l’émail, émane l’énergie primaire et la vitalité de ses sculptures.